La « réappropriation » du crédit à la consommation
« J’ai volé 492 000 euros à ceux qui nous volent le plus ». Deux jours après la faillite de Lehmans Brothers, le 17 septembre 2008, une revue diffusée gratuitement, Crisi !, annonce qu’un Catalan a contracté cette somme qu’il ne compte pas rembourser. C’est un appel à retourner les procédés des banques contre elles, ainsi qu’une présentation des mouvements sociaux dans lesquels il va « investir » l’argent récupéré.
Le geste de cet activiste, Enric Duran, opère à deux niveaux. Il permet une réévaluation de notre capacité d’action face aux banques ; et sur un plan technique, il utilise contre ces dernières, leurs propres mécanismes pervers qui poussent au surendettement par le crédit à la consommation.
Les banques sont dépendantes de nos comptes
L’acte de Duran suppose d’aborder le prêt avant tout comme une nécessité économique pour la banque : « L’élément pour faire comprendre les possibilités et les opportunités de ce type d’action : banques et entités financières ont besoin d’accorder des crédits car c’est un des principaux moyens d’acquérir des bénéfices et parce que […] le système financier a besoin de toujours plus de crédits »1. Il cherche d’abord à casser la relation univoque qu’on entretient généralement avec les banques : elles nous permettent d’avoir de l’argent en sûreté, elles acceptent de nous prêter de l’argent, on leur prouve notre bonne foi et notre solvabilité, on leur demande la faveur de supprimer des frais bancaires, etc.
Il est acquis d’avoir un compte en banque, et un salaire directement versé sur celui-ci.Il est acquis d’avoir une carte bancaire et bien souvent l’autorisation d’un découvert, c’est-à-dire la possibilité d’un crédit toujours renouvelé. Il est acquis d’avoir un prêt (en permanence, environ 50 % des français sont sous le coup d’au moins un crédit2).En somme, il est acquis que nous sommes davantage dépendants des banques qu’elles de nous.
Ces acquis sont ébranlés par l’opération de Duran : avoir un compte dans une banque est un contrat, pas une obligation ; contracter un prêt est un échange, pas une indulgence. La banque ne nous rend pas service, elle nous le fait payer3. Une institution tend toujours à faire penser qu’elle est nécessaire aux individus et que son existence est indépendante de leur participation. Cette tendance, lorsque l’institution est une banque, se traduit ainsi : rendre est un devoir, prêter une faculté.
Duran analysait avec justesse dès 2005 le fait que la croissance occidentale était dopée à coups de crédits depuis 30 ans. Cette course aux crédits visait à compenser une croissance qui s’essoufflait. La crise des subprimes est l’un des résultats de cette course.
Il faut bien comprendre qu’un endettement croissant des ménages ne rentre pas en contradiction, bien au contraire, avec le système du crédit actuel. On prétend généralement que les intérêts du débiteur et du créancier sont convergents : si un débiteur n’arrive pas à rembourser son emprunt, la banque perd de l’argent. Si cet argument n’est pas absolument faux, il manque pourtant l’essentiel : d’une part, une banque peut saisir les biens de celui qui est en défaut de paiement, mais surtout les organismes de crédit peuvent trouver un intérêt bien plus grand à maintenir les débiteurs dans un état d’endettement permanent – dès lors leurs intérêts ne convergent plus du tout. Dans cette optique, le calcul des créanciers se déplace : non plus calculer la manière dont un emprunteur pourrait rembourser le plus convenablement pour lui, mais plutôt trouver le point maximal d’endettement, avec pour seule limite : l’insolvabilité du client – ou la mort de la poule aux œufs d’or.4
Exploiter les conditions qui favorisent le surendettement
On assiste ainsi depuis 30 ans à un endettement croissant qui s’étend à toute la population, et dont les plus démunis font les frais. Les dossiers recevables à la commission de surendettement ont triplé en 20 ans : de 64 000 dossiers en 1990 à 182 000 dossiers en 20105. De 2005 à 2010, ce sont 830 000 dossiers qui ont été jugés recevables6. Le non-respect des règles encadrant le crédit par les banques est en grande partie responsable de cette évolution.
Duran va exploiter ce laxisme à son avantage en contractant 68 prêts différents. Si les banques prêtent aux dépens des clients en difficulté, lui empruntera aux dépens des banques. En effet, la plupart du temps, sa solvabilité n’est pas évaluée. Pour preuve, c’est par téléphone qu’il obtient la grande majorité de ses crédits, sans que les banques lui demandent de fournir les indices de ses revenus et de son capital. Elles ne s’enquièrent pas plus de sa situation financière, c’est-à-dire d’un endettement préalable qui pourraient mettre en danger son niveau de vie et sa capacité à rembourser. Alors que les banques lui accordent des crédits sans vérification, elles lui fournissent des cartes de crédit sans qu’il les demande. Elles lui donnent à volonté des crédits renouvelables, dits « revolving ». Le crédit revolving7 est la forme la plus aboutie de ce qu’on peut appeler avec Duran « l’escroquerie bancaire » – prédateur autant en termes de tauxqu’en termes de conditions8. Ce crédit, profondément inégalitaire9, se retrouve présent dans une grande majorité des cas de surendettement10. Duran va y avoir accès à travers les cartes de crédits de grandes enseignes (dont Carrefour). Il pourra retirer avec l’une de ces cartes jusqu’à 1200 euros par jour pendant un mois, alors que le contrat stipulait que le plafond était de 600 euros… mensuels.
Les failles du CIRBE, le registre espagnol de surveillance des risques du crédit, expliquent également la capacité de Duran à emprunter autant d’argent. Les prêts inférieurs à 6 000 euros ne sont pas inscrits dans la base de données de ce fichier central, ce qui signifie qu’une banque n’a pas les moyens de savoir si on a contracté ce type de prêts auprès d’autres banques. Inversement, lorsqu’on contracte plusieurs prêts dans une même banque, Duran observe que celle-ci ne vérifie plus le fichier bancaire du CIRBE à partir du moment où on a déjà un prêt chez elle. Duran se sert aussi d’une autre faiblesse du système de contrôle : la dette d’une entreprise n’apparaît pas dans « l’historique » de la dette personnelle de son patron. Si les crédits sont contractés au nom d’une personne morale, la banque ne peut relier ces emprunts à cet individu. Il peut donc s’endetter doublement : au nom de l’entreprise qu’il a créée, ainsi qu’en son nom propre.
Evidemment Duran ne fait pas que profiter du laxisme organisé, il utilise également au maximum les marges de manœuvres laissées par les contrôles bancaires. Duran va falsifier ses fiches de paie, profitant du fait que les banques, en Espagne, ne possèdent pas de moyens légaux de vérifier leur authenticité. Pour réunir des sommes plus importantes (prêts supérieurs à 6 000 euros), il faut par contre démontrer qu’on a un salaire stable et des capacités de remboursements suffisantes. Il va alors mettre en place une système similaire aux chaînes de Ponzi : il ouvre un compte dans plusieurs banques où il se verse des sommes avec les premiers crédits obtenus. Il fait passer ces versements pour des salaires, qui lui permettent de demander de nouveaux prêts, lesquels financeront les précédents, et démontreront la capacité de remboursement et le sérieux du client – et ainsi de suite. Plus il emprunte, plus il peut augmenter le nombre et la valeur de ses prêts11.
L’insolvabilité, une niche fiscale pour activistes
Duran a rendu publique son action en diffusant gratuitement – financée par les banques – 200 000 exemplaires de la revue Crisi ! Il a depuis, avec son collectif Crisi, diffusé une autre revue, toujours gratuite et cette fois diffusée à 350 000 exemplaires : Podem !, qui propose des pistes pour développer différentes formes d’organisation collective.
Il s’attarde notamment sur l’insolvabilité à laquelle mène son action. En effet, il faut d’une part léguer l’argent emprunté pour ne pas qu’il soit saisi, et se préparer à se défendre contre une possible accusation d’ « organisation frauduleuse d’insolvabilité ». Mais on doit de toute manière supporter le statut d’insolvable à vie, tant qu’on ne rembourse pas. Etre insolvable a donc un coût. Néanmoins, « considérer l’insolvabilité comme quelque chose qui te permet d’avoir un certain nombre de droits – même si elle t’en enlève d’autres – est un outil puissant pour la désobéissance civile.(…) Par exemple, si tu ne paies plus les amendes, tu peux voyager gratos, tu peux donner ton nom pour convoquer des manifs non autorisées… Bref, tu peux faire sans crainte tout ce qui n’est puni que par des amendes »12. Duran voit dans la vie en coopérative une forme légale qui permet de gérer une situation d’insolvabilité. « Les actifs d’une coopérative, formée par les apports économiques de ses associés, ne sont pas saisissables. C’est donc une façon de protéger nos biens, autrement saisissables si nous devenons des débiteurs comme individus. La coopérative est responsable de ses dettes en tant que structure distincte des individus qui la compose. »13
Cette forme n’est pas qu’une proposition : la première coopérative du groupe (qui réunit aujourd’hui 2 000 sociétaires) est née en Catalogne en 2011 sous le nom de Ca la Fou, lorsqu’il a acheté une ancienne « colonie industrielle » de 3 hectares avec 200 logements pour 400 000 €.
Il raconte dans son livre Insumisión a la banca non seulement les raisons et les mécanismes de son « expropriation bancaire », mais aussi comment son probable procès sera l’occasion de faire celui des banques et de la machine du surendettement.
Il annonce que « le seul verdict qu’il acceptera du tribunal est la relaxe, en considération du caractère éthique et solidaire de son action (…) Si l’Etat est incapable de se soustraire à la pression des pouvoirs officieux, alors que tout le monde s’en aperçoive avec le maintien en prison d’une personne comme moi. » Après deux mois de détention préventive en 2011, il a comparu libre à la première audience d’un procès civil intenté par la banque BBVA. Sa défense articule la critique politique du système bancaire et du surendettement avec la critique juridique des banques qui violent non seulement la loi qui encadre le crédit mais aussi les contrats avec leurs clients.
L’action de Duran est intéressante pour notre propos car elle intègre plusieurs des outils étudiés ici. Ca la Fou, par son fonctionnement en coopérative de logement et de production de services, participe du même processus que toutes les coopératives d’habitants : produire un régime de propriété qui ne soit ni privée ni publique mais collective et autogestionnaire. Et l’évidence, pour Duran, d’utiliser les tribunaux comme tribune montre que se constitue, à travers ces réseaux d’activistes « pragmatistes », une culture commune qui trouve sa source dans une certaine manière de faire davantage que dans un corpus de principes.
1 Revue Crisi !
2 Cf. Observatoire des crédits aux ménages.
3 L’intérêt est, techniquement, le prix du prêt. Cette définition est cependant très incomplète. A analyser la monnaie d’un point de vue purement techniciste, comme tout autre objet d’ailleurs, on manque sa dimension psychosociale. En ce qui concerne la monnaie, cette dimension est énorme : « bien si particulier qu’on peut la qualifier de méta-bien, elle est un concentré de désir explosif ». L’intérêt est donc aussi ce qui régule ce désir. C’est ce qui explique que la publicité sur les crédits à taux zéro a été rapidement interdite, et que les prêts à taux zéro sont très encadrés. Cf. « Pour un système socialisé du crédit », F. Lordon.
4 Cf. F. Lordon, « Changement d’époque » : selon « l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), l’une des agences de supervision des banques : « le point important pour les prêteurs n’est plus tant que les crédits à la consommation soient remboursés mais que les prêts deviennent (pour les banques) des actifs perpétuellement rémunérateurs » ».
5 Bilan national de l’activité des commissions de surendettement, 21 juillet 1011.
6 Baromètre du surendettement, septembre 2010.
7 Autrement appelés crédits permanents, ce sont les plus chers et les moins contrôlés. Ces crédits ne sont pas affectés à une dépense précise puisqu’on dispose alors d’un « compte à crédit », c’est-à-dire d’une somme d’argent à disposition qui ne nous appartient pas mais qu’on peut dépenser, rembourser et redépenser sans renouveler de demande de crédit.
8 Leurs taux frisent avec le taux usuraire (environ 20 %). Et les conditions font qu’une réutilisation, même minimale, de la somme « à disposition » peut entraîner un coût 4 fois supérieur. L’astuce principale des organismes est de «surfacturer» les réutilisations d’un crédit renouvelable tout en ne communiquant que sur le coût du premier tirage.
9 Pour une même demande, on orientera les plus pauvres vers ces crédits à 17 % quand d’autres auront accès à un prêt personnel à 7 %. De plus, le devoir d’information n’est pas effectué. Ainsi UFC Que choisir (étude mars 2010) note que « tous les organismes de crédit [les] ont orienté d’abord vers les crédits revolving ; ils n’ont jamais donné de chiffres clairs et n’ont jamais fourni tous les éléments en même temps. Dans 92% des cas, ils n’ont pas demandé la solvabilité ».
10 Fin 2011, et ce malgré une baisse, 77 % des dossiers de surendettements en France concernaient ce type de crédits. Cf. Banque de France, « Baromètre du surendettement à fin décembre 2011 ».
11 Ce schéma est très proche de la chaîne de Ponzi mise en place par le désormais célèbre Bernard Madoff, qui finançait en partie les rémunérations des fonds qu’on lui confiait grâce à l’argent apporté par les nouveaux clients. L’astuce de Duran est que les banques sont ses clients sans le savoir.
12 CQFD n° 71, octobre 2009.
13 Revue Podem.
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