Les défenses offensives

« J’ai toujours professé que l’avocat politique devait être totalement engagé aux côtés des militants qu’il défend. Partisan sans restriction avec, comme armes, la connaissance du droit « ennemi », le pouvoir de déjouer les pièges de l’accusation, etc. (…) Les règles d’or des procès de principe : s’adresser, par-dessus la tête des magistrats, à l’opinion publique tout entière, au pays. Pour cela, organiser une démonstration de synthèse, dépasser les faits eux-mêmes, faire le procès d’une loi, d’un système, d’une politique. Transformer les débats en tribune publique.»[1]

 

Les poursuites judiciaires à l’encontre des activistes sont généralement un moyen pour réprimer leur contestation manifeste et pour les condamner au silence par la sanction des uns et l’intimidation des autres, tout en délégitimant leur cause devant la société. Mais un procès peut aussi être un moyen de briser le silence sur un sujet. La maîtrise des outils juridiques, des rapports de forces et de la communication peut permettre de déplacer le débat judiciaire pour permettre d’accuser l’accusateur et d’utiliser le tribunal comme une tribune pour s’adresser à l’opinion et au pouvoir politique. De nombreux militants eurent recours à ce « ju-jitsu politique ». Parmi eux les militants du FLN algérien : ils adoptèrent une ligne de défense offensive qui opposa aux accusations de terrorisme la dénonciation des tortures militaires et des crimes coloniaux, et qui mobilisa les opinions française et internationale et modifia la situation politique.

À l’inverse, face à l’impunité dont bénéficient certaines personnes physiques ou morales, une tactique possible consiste à les accuser publiquement afin de les pousser à poursuivre en diffamation ses accusateurs. Cela obligera le tribunal à accueillir un débat contradictoire entre les deux parties afin de pouvoir juger si les propos sont diffamatoires ou légitimes. C’est de cette manière que Zola imposa une discussion publique de l’affaire Dreyfus, qui avait été jugée par un tribunal militaire à huis clos, et qu’aujourd’hui encore différents collectifs opèrent[2].

Que ces procès faits aux activistes soient prévus ou non par eux, ils peuvent être menés d’une manière offensive qui renverse la dynamique de l’accusation et son impact politique. La condition d’un tel jeu judiciaire est de refuser la donne du croupier et de battre soi-même les cartes. Nous examinerons ici les différents pivots de ces défenses accusatrices à la lumière d’exemples historiques et contemporains, en suivant les lignes posées par une certaine tradition d’avocats engagés qui réunit Labori, Willard[3], Vergès, Halimi ou aujourd’hui François Roux.

       I. Un regard lucide sur l’institution judiciaire

Il ne s’agira pas ici de dénoncer l’absence d’indépendance de la « Justice » mais de rappeler que cette indépendance est altérée par nature – la loi qu’elle applique étant édictée par le politique – autant que par l’organisation de l’institution. Recenser ces limites est impératif pour mener à bien sa défense, dès lors qu’on est engagé dans un procès dont le contenu est essentiellement politique.

Un regard critique sur l’indépendance et l’impartialité de la justice permet d’aborder le procès de manière lucide et pragmatique. Malgré son idéal universaliste et ses garanties formelles d’indépendance, l’institution judiciaire reproduit dans une certaine mesure les inégalités sociales et peut subir l’influence du pouvoir politique. L’égalité d’accès à la justice est un problème complexe qui implique de considérer les disparités financières et culturelles entre les membres d’une société. Il se double du problème de l’inégalité de traitement par les juges entre les utilisateurs fréquents du droit (repeat players) et ses utilisateurs occasionnels[4]. Les juges sont les gardiens de “l’ordre public” – un concept qui est politiquement conservateur et flou, donc malléable. Ils sont aussi plus enclins à appliquer des lois anciennes ou précises que des normes internationales plus récentes et générales – pourtant supérieures dans l’ordre juridique. Sans même entrer dans les questions de la composition sociologique de la magistrature[5] on peut considérer la magistrature comme tendanciellement tenante du statu quo social, idéologique et juridique.

L’institution judiciaire, dans son fonctionnement formel, est aussi perméable à l’influence politique du gouvernement à travers le Ministère public : celui-ci étant le détenteur du pouvoir de juger de “l’opportunité des poursuites” (décider de classer sans suite ou de poursuivre une plainte), conformément à la politique criminelle fixée par le garde des Sceaux, sous l’autorité duquel il est placé. Ces différents leviers peuvent s’activer de manière discrète ou flagrante dans les affaires politiques, qu’il s’agisse de réprimer une contestation ou de protéger des intérêts.

Justice ou légalité ?

Il est aussi utile d’observer le raisonnement juridique. Comme le rappelle Jacques Vergès, le concept de “vérité” est une fiction idéaliste dans le domaine judiciaire autant que dans le champ philosophique[6] ; il en va de même de ceux d’innocence, de culpabilité, et bien sûr de justice. La première chose qu’on assène aux étudiants en droit c’est la distinction fondamentale entre justice et légalité : il s’agit de renoncer à cette première idée naïve et de s’imprégner de la réalité technique. Il est facile pour le juge de s’abriter sous l’argument de la légalité pour appliquer une loi illégitime. Cette justification de dupes s’appuie aussi sur le fait que « la forme de légitimité actuellement la plus courante consiste dans la croyance en la légalité, c’est-à-dire la soumission à des statuts formellement corrects et établis selon la procédure d’usage »[7], et elle entretient la confusion entre ces deux termes. Or la légalité d’une action n’est qu’une qualité formelle ; l’État de droit, c’est-à-dire le scrupuleux respect par les tribunaux des règles édictées par le législateur, peut parfaitement s’accommoder d’injustices, d’inégalités et de discriminations.

De manière générale il est important de bien distinguer l’institution judiciaire et le principe de la séparation des pouvoirs, des idées de justice et de démocratie. Le droit et les tribunaux jouent nécessairement un double rôle : régler les conflits internes du régime politique et protéger ce même régime. Les juges ne peuvent demander des comptes au pouvoir politique que dans la mesure où celui-ci s’est imposé des limites et veut bien s’y plier – sans quoi il pourra changer ces règles[8]. Dans l’autre sens les magistrats peuvent être utilisés pour donner une caution “indépendante” et “légitime” à la répression politique ou à l’écriture de l’histoire. Tous ces éléments sont à prendre en compte, particulièrement dans le cadre du militantisme, pour saisir le fonctionnement de la machine judiciaire et pouvoir élaborer des stratégies d’action puis de défense lucides.

       II. Embrasser le procès

Accepter le risque de condamnation

L’inculpé qui a clairement commis les faits qui lui sont reprochés a deux types de stratégies possibles. Soit il cherche la peine minimum en ménageant le tribunal, en plaidant coupable et en invoquant les circonstances atténuantes – c’est ce que Vergès appelait péjorativement une défense de connivence. Soit il accepte le risque de la condamnation et il peut alors assumer ses actes et les défendre au nom d’une cause qui le dépasse et à laquelle il subordonne son procès. Ce choix stratégique de l’accusé est fondamental. Les défenses combatives privilégient l’aspect politique par rapport au judiciaire et le collectif par rapport à l’individuel. Cette ligne est souvent adoptée par les militants, qu’il s’agisse d’indépendantistes ou de faucheurs de maïs. Ces dernières années cette stratégie judiciaire a donné lieu à une nouvelle pratique : celle des « comparants volontaires ». Lors d’actions militantes publiques la police interpelle parfois seulement quelques-uns des acteurs afin de mettre un terme à l’événement et d’intimider les autres. Le procureur peut aussi faire une sélection entre les interpellés. Les comparants volontaires, présents lors de l’action, réclament d’être jugés aux côtés de leurs compagnons. Ils permettent ainsi de mettre en avant la dimension collective et politique de l’action, d’élargir les débats et de modifier en leur faveur le rapport de force numérique dans la salle d’audience[9]. Ils alourdissent en outre la responsabilité du tribunal s’il veut prononcer une condamnation.

S’approprier le droit

La Constitution prévoit que l’État mette en œuvre les moyens pour que chaque citoyen ait un procès équitable, respectant tous ses droits ; mais ces droits savent très bien se contenter d’être formels. « Ce n’est pas parce qu’il y a des lois, ce n’est pas parce que j’ai des droits que je suis habilité à me défendre ; c’est dans la mesure où je me défends que mes droits existent et que la loi me respecte. C’est donc avant tout la dynamique de la défense qui peut donner aux lois et aux droits une valeur pour nous indispensable. Le droit n’est rien s’il ne prend vie dans la défense qui le provoque ;  et seule la défense donne, valablement, force à la loi. »[10] C’est la combativité et la connaissance de l’univers judiciaire qui permettent de se défendre pleinement face au Parquet qui, lui, connaît parfaitement le système et n’y risque rien.

Lorsqu’un procureur et un tribunal ne trouvent pas devant eux des personnes qui s’excusent (de bonne ou mauvaise foi) pour tenter de les amadouer, mais trouvent au contraire des militants convaincus qui connaissent leurs droits et déploient une argumentation sur un problème de société, cela change la donne. Les activistes qui sont eux-mêmes des repeat players, connaissant les codes du tribunal, sont mieux à même d’identifier les points à exploiter et peuvent se défendre de manière offensive.

Reconnaître les faits pour les dépasser

Accepter le risque pénal permet de dépasser la logique du débat sur les faits, qui tend à confondre la responsabilité des actes incriminés avec la culpabilité. Les activistes qui ont choisi leurs actions reconnaissent généralement les faits qui leurs sont imputés. Ceci leur permet de déplacer le débat et de le recentrer sur la question de la légitimité de ces actes et du choix de la norme juridique à appliquer. Leur défense est donc essentiellement consacrée à exposer les raisons qui ont motivé l’action. C’est le cas dans les procès de militants, qu’ils soient poseurs de bombes du FLN ou désobéissants non-violents. Assumer la pleine responsabilité de ses actes permet de se dresser face à l’accusation, de lui répondre de manière construite et de faire peser sur le juge la responsabilité juridique, politique et morale de faire du responsable un coupable.

Dans le cas de complots judiciaires les faits reprochés à l’accusé sont inexistants : vente de documents secrets pour Dreyfus, incendie du Reichstag pour Dimitrov, sabotages de lignes SNCF pour le groupe de Tarnac. La défense peut alors attaquer à la fois sur les faits et sur les enjeux politiques ; la double victoire judiciaire et politique de Dimitrov sur la justice nazie est à cet égard exemplaire[11].

       III. « La défense accuse »[12]

Plus le combat politique « sous » le procès est saillant, plus la pertinence du tribunal diminue au profit du débat public : l’affaire se mue en un moyen de mobiliser l’opinion, afin d’obtenir son appui pour que la loi change. Il faut pour cela rééquilibrer voire inverser la distribution des rôles prévue par le protocole judiciaire. Il faut faire descendre le procureur de son piédestal et construire la symétrie entre les deux parties. « Non pas la symétrie accordée par la procédure mais une symétrie maîtrisée par l’accusé, qui réclame le pouvoir, pour lui aussi, au nom de la symétrie, d’édicter ses règles et son système de normes. »[13]

Dénonciation de la nature politique du procès

Une défense combative travaille à expliciter le rapport de forces politique sous-jacent au procès et à le développer en sa faveur à l’intérieur et à l’extérieur du palais de justice ; d’autant plus que le tribunal tendra à le recouvrir. L’institution judiciaire fait de « l’indépendance » ce qui justifie de « ne pas faire de politique »[14] et de réduire les affaires politiques à des délits de droit commun.

Dès lors on peut pointer les contradictions de l’institution avec ses idéaux, en visant notamment son indépendance et son impartialité. L’accusé peut poser des questions : « Qui êtes-vous ? Que représentez-vous ? Quelle est votre raison d’être historique ? » Dans les pays occupés ou colonisés, voire dans les dictatures, peut apparaître ce cas extrême où toute légitimité est déniée au régime politique autant qu’à ses tribunaux[15]. Le refus de dialoguer avec le tribunal est un cas extrême de la « défense de rupture » telle que le FLN et J. Vergès l’ont pratiquée.

Contre-accusations

A la contestation de la légitimité juridique du tribunal s’ajoute celle de la légitimité morale de l’accusation : accusés de terrorisme, les indépendantistes algériens rétorquaient en dénonçant les crimes du colonialisme et les tortures de l’armée française aux ordres du même gouvernement qui les accuse. Les procès qui étaient faits aux « terroristes » du FLN ont ainsi favorisé l’impact international de la campagne de dénonciation de la torture pratiquée par l’armée française[16]. Ce type de contre-attaque participe d’un combat politique qui dépasse le tribunal et vise l’opinion et le gouvernement. Cette défense n’est certes pas légaliste, elle est crûment matérielle et pragmatique ; elle s’impose lorsque le procès ne masque plus la violence d’État[17], et peut alors être très efficace pour montrer que le procès est la continuation d’un conflit politique.

Lorsque ce sont des lois qui sont mises en cause (et non le régime lui-même) la contre-attaque n’en est pas moins possible. Ainsi l’association Choisir se saisit du procès de Bobigny, intenté à plusieurs femmes pour avoir aidé une jeune fille à avorter, pour faire « le procès de la loi de 1920 qui réprime l’avortement et [qui], dans les faits, ne touche que les pauvres »[18]. L’avocate G. Halimi dénonce, témoins à l’appui, l’incurie du gouvernement en matière de contraception, le sabotage malicieux du Planning familial et par conséquent l’hypocrisie qu’il y a à accuser des femmes auxquelles on refuse de donner les moyens d’éviter l’avortement. Actuellement les Déboulonneurs opposent au Parquet qui les accuse de dégradation de panneaux d’affichage l’inaction des préfets devant les infractions à la réglementation en matière d’affichage publicitaire – inaction permanente qui a valu à l’association Paysages de France le triste record de faire condamner plus de 50 fois l’État devant les tribunaux administratifs. Cela impose un recadrage des débats où l’accusé n’est plus un simple contrevenant devant la loi (cadre dans lequel le procureur cherche systématiquement à l’isoler) mais un citoyen faisant face à des injustices ou des irrégularités du fait de l’État. L’accusation est ainsi malmenée et poussée à se justifier.

Les témoins à la tribune

Dans la même dynamique on peut utiliser en droit pénal le régime de la liberté de la preuve et la place qu’il accorde aux témoins pour rediriger les débats, voire mettre en cause ses adversaires[19]. Ainsi Zola  en profita pour citer près de 200 témoins, dont un certain nombre d’officiers complices du complot monté contre Dreyfus – auquel ils durent se présenter car leur absence aurait représenté un aveu. Le procès de Bobigny fit également un usage exemplaire des témoignages. Sur 17 témoins cités, 1 fut entendu sur les faits, les 16 autres témoins, dits « de moralité » (dont l’audition porte sur la personnalité du prévenu), ne connaissaient en réalité les faits et l’inculpée que par la presse. Ces jeunes mères célibataires, députés, médecins, sages-femmes, professeurs et prix Nobel étaient là pour exposer des faits juridiquement étrangers à l’affaire mais socialement pertinents, et déclarèrent périmée et inique la loi réprimant l’avortement. Le poids de ces déclarations autant que le renom des témoins et la présence de la presse obligeaient le président, malgré son irritation sensible, à les écouter déployer leur offensive. En reconnaissant scientifiquement la prégnance d’un problème de société, et l’utilité de l’action incriminée, ces témoins « experts » permettent un rééquilibrage symbolique en faveur de l’inculpé. Bien que le juge est libre d’apprécier dans le cadre de « son intime conviction » la valeur qu’il convient d’apporter aux témoignages, l’accusé devient dans ce cas difficile à caricaturer en un marginal, un antisocial ou un extrémiste politique.

IV.  Utiliser le droit de manière politique

Si dans les cas extrêmes le droit peut être un simple déguisement du conflit politique, généralement il a une certaine autonomie : il lie plus ou moins le tribunal et il bénéficie d’une certaine légitimité auprès de l’opinion. C’est pourquoi même lorsque la défense importe le procès dans le champ social il est important de ne pas délaisser le champ juridique. La défense peut attaquer au niveau procédurier (vices de forme, etc.) mais surtout elle peut parvenir à mobiliser le droit pour mettre l’accusation en contradiction avec les lois, et pour légitimer sa cause en utilisant de manière innovante certains principes ou certaines normes juridiques supérieures.

Invocation de principes ou normes supérieures

Ces contre-attaques permettent de rééquilibrer, sinon d’inverser, la charge morale du procès devant l’opinion. Elles préparent aussi le terrain pour invoquer des principes supérieurs aux lois. Lorsque les débats ne portent plus sur les faits, revendiqués par les accusés, mais sur les principes au nom desquels on juge, on touche au méta-judiciaire : au « droit naturel », à la morale. Or si le tribunal, occupé à appliquer la loi, ignore autant que possible cette dimension, l’opinion (dont les élus) y est très réceptive. La défense de rupture dénie par avance toute légitimité à la sentence qui sera prononcée en vertu de la loi d’un occupant, d’un colon, d’un dictateur ou d’une classe ; elle le fait d’abord par conviction et, ensuite, dans un but didactique à destination de ses sympathisants et de l’opinion nationale et internationale afin d’en obtenir le soutien. Ce recours à des principes supérieurs du droit a aussi lieu dans les procès politiques mus par un combat plus réformiste que révolutionnaire. La revendication d’Antigone des « lois non écrites, inébranlables, des dieux » contre le droit positif « inique » édicté par Créon en est devenue le symbole, sinon le poncif. Cette invocation des « lois de la conscience » dont on parle aujourd’hui peut contribuer à modifier le procès en subordonnant la question juridique à la question morale ou politique et en faisant ressortir l’iniquité du droit.

Mais ce ressort existe aussi à l’intérieur du droit. On peut invoquer une norme supérieure contraire à celle qui est communément appliquée : normes constitutionnelles vs. lois, textes et jurisprudences internationales vs. droit national. Les militants peuvent par exemple convoquer la notion de résistance à l’oppression qui est un « droit naturel et imprescriptible » garanti par l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, laquelle est incluse dans le bloc de constitutionnalité français. Les faucheurs d’OGM convoquent quant à eux le « droit à un environnement sain », reconnu par la CEDH dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Ce type d’argumentation est plus facile à entendre par les tribunaux, bien qu’ils rechignent encore à appliquer de nouvelles normes internationales ou des principes juridiques généraux. Les juges prêts à oser une décision progressiste trouvent là une norme sous l’autorité de laquelle ils peuvent se placer – ce qui d’ailleurs importe pour éviter la cassation.

La jurisprudence est une source indirecte du droit ; on peut demander aux juges d’assumer ce rôle d’interprétation, autant dans le choix de la norme applicable que dans la qualification juridique des faits. Le fameux arrêt de la Cour d’Appel de Colmar en 1957 qui introduisit une nouvelle notion dans le droit français symbolise cette marge d’action des tribunaux au-delà des textes : elle estima que « l’état de nécessité est un des fondements du droit que toutes les civilisations juridiques évoluées, dégagées du légalisme initial, consacrent soit dans la loi soit dans la doctrine et la jurisprudence  ».

Cette défense légaliste facilite la tâche des juges et donc, en principe, les chances dans la bataille judiciaire. Les décisions des tribunaux et la doctrine s’alimentent entre elles et peuvent être entérinées par la jurisprudence de la Cour de cassation, voire contribuer à la modification de la loi. Il en a été ainsi avec cette décision de 1957 qui a fait jurisprudence jusqu’à son intégration dans le nouveau code pénal.

L’état de nécessité

Cette notion juridique apparue dans le droit via la jurisprudence peut être invoquée lorsque la défense démontre le danger de la situation dans laquelle se trouve l’accusé. Elle se combine donc parfaitement avec la phase de contre-accusation et avec la démonstration des témoins que l’accusé participe à une cause d’intérêt général. « Aujourd’hui, explique François Roux, le droit définit l’état de nécessité comme un « fait justificatif » d’une infraction pénale et considère que celui qui a enfreint la loi pour défendre un intérêt social supérieur, sans aucun intérêt pour lui-même, ne saurait être sanctionné. » Mais la bataille consiste dorénavant à convaincre le juge « que celui qui a enfreint la loi l’a fait pour répondre à un danger actuel ou imminent, menaçant lui-même ou autrui, et qu’il a utilisé des moyens proportionnés à l’intérêt à défendre »[20]. Les faucheurs volontaires d’OGM ont obtenu cette qualification juridique pour leurs actions auprès de quelques tribunaux de première instance, mais la Cour de cassation, suivant les Cours d’appel, a nié que les conditions de l’état de nécessité étaient réunies. Ces premières décisions favorables sont néanmoins un précédent pour l’extension de cette notion à des actes de désobéissance civile. Et ce type d’argumentation peut sensibiliser le tribunal aux causes défendues et le pousser à chercher un moyen de relaxe. Ainsi le TGI de Paris relaxa en 2011 les Déboulonneurs non pas sur l’état de nécessité qu’ils plaidaient mais sur la liberté d’expression !

Mais mobiliser le droit dans la défense ne doit pas conduire à s’y subordonner. C’est le risque des plaidoiries trop « légalistes » : elles finissent par déposer leurs armes dans les mains des juges, se mettent à la merci du verdict et ne peuvent ensuite que difficilement le contester. C’est le type de défense de Me Demange pour Dreyfus, qui s’en remet à « la conscience » des juges. Pour les avocats de la lignée de Me Labori, défenseur de Zola, utiliser le droit c’est simplement parler la langue du tribunal ; cela permet essentiellement de se protéger contre certains abus et d’apporter des arguments qui font sens pour le tribunal. Au terme de leur plaidoirie, ils demandent aux juges non seulement d’utiliser au maximum leur pouvoir de créer du droit par l’interprétation, mais surtout de prendre position face à un problème politique, de faire preuve de courage et de donner un exemple.

       V. Faire du procès une affaire

La tribune du tribunal

Un procès est un jeu dont les cartes sont juridiques mais aussi politiques et médiatiques. Pour être légitime, le procès requiert qu’on donne à l’accusé un droit de parole et que les débats soient publics[21]. Les défenses combatives s’engouffrent dans cet espace pour attaquer autant sur le plan juridique (vices de forme, etc.) que sur le plan de la légitimité. Si la défense juge que l’affaire est jouée d’avance, elle doit se concentrer sur ce second plan (le premier étant sous la domination du tribunal). Bien que la situation soit difficile pour elle, la défense peut déborder le tribunal en jouant des coups auxquels celui-ci n’est pas en mesure de répondre : en invoquant d’autres valeurs, en mettant en cause sa légitimité et en interpellant l’opinion et les médias. « Dans la défense de rupture, j’avais une liberté d’action face au juge, que lui n’avait pas » déclare Vergès.

La mobilisation de l’opinion nationale et internationale passe par la médiatisation des débats en utilisant toutes les armes modernes d’information (presse, TV, internet, radio, édition, films) et par des campagnes d’action (manifestations, pétitions, envois massifs de courriers aux autorités ou aux greffes, conférences, œuvres d’art, etc.). Cette mobilisation repose sur un gros travail de communication vers les médias autant que vers les groupes militants disposés à relayer la cause – un travail généralement fourni par le collectif qui soutient les accusés. Le problème de fond peut alors s’imposer dans le débat public. Le succès de ces campagnes favorise ensuite l’obtention de soutiens institutionnels (partis politiques, ONGs, États). Les grandes défenses politiques peuvent ainsi parvenir à renverser le rapport de forces autour de « l’affaire ». La portée de ces mobilisations dépend naturellement de la taille du mouvement (Greenpeace a par exemple  des moyens considérables en comparaison de n’importe quel collectif local), de l’objet de la lutte, et des types de moyens utilisés. Néanmoins les procès pénaux suscitent toujours une certaine attention de la part de l’opinion, particulièrement lorsque des individus risquent des condamnations pénales pour des faits mineurs ou de désobéissance civile. Ce type de défense, déplaçant hors du tribunal le centre de gravité du procès, transforme celui-ci en une affaire – un outil de pédagogie et de mobilisation.

Menace de procès ou opportunité de tribune

Les activistes, qu’ils pratiquent la désobéissance civile en tant que telle ou non, peuvent définir leur stratégie en fonction des risques judiciaires qu’ils acceptent de prendre. Le coût de cette liberté dépend du champ de lutte et des conditions historiques. Les intimidations que constituent les menaces de poursuites à l’encontre d’actions qui ne sont pas clairement illégales, qu’elles soient proférées par le Ministère public ou d’autres personnes morales ou physiques puissantes, peuvent être pesées puis éventuellement acceptées. Divers groupes tels que Adbusters, ®Tmark, les Yes Men ou Negativland détournent, parodient ou attaquent l’image de grandes marques dans le but de critiquer les abus du consumérisme ou du régime de la propriété intellectuelle. Ils invoquent le droit de critique et de parodie comme fondement de leurs actions, mais un procès serait pour eux un moyen d’ouvrir un débat sur les conditions de travail dans les sweatshops, sur les impacts de la malbouffe, de l’alcoolisme, etc. L’affaire McLibel est leur modèle inspirateur.[22] Ils déclaraient ainsi attendre avec excitation de telles menaces de procès[23].

Une victoire judiciaire ou politique ?

Si le rendu du verdict sonne le terme du procès devant le tribunal, il n’est pas forcément le moment décisif dans l’affaire que porte la défense. Pour celle-ci le point de basculement peut avoir été un témoignage, une mobilisation, un soutien inattendu, etc.

Des victoires judiciaires peuvent être des échecs politiques – notamment en raison du principe de séparation des pouvoirs : qui exécute les condamnations du pouvoir exécutif ? La France est régulièrement condamnée par la CEDH pour les conditions de détention dans ses prisons, mais l’État les ignore et plutôt que de remédier à ces infractions préfère payer des amendes. Nous avons mentionné la foule de condamnations de l’État obtenue par l’association Paysages de France devant les tribunaux administratifs pour défaut d’application des normes en matière d’affichage publicitaire. Ces victoires judiciaires ne sont pas parvenues à renforcer suffisamment la mobilisation contre l’invasion publicitaire ; le lobbying politique des afficheurs a pesé davantage et a entraîné une nouvelle loi en leur faveur, empêchant dorénavant les tribunaux de juger ces infractions.

A l’inverse une défaite judiciaire peut accompagner, voire participer à une victoire politique. Le procès de Zola déboucha sur sa condamnation et son exil forcé, mais les débats du procès ainsi que le scandale de sa condamnation conduisirent à la réouverture de l’Affaire Dreyfus, et à la reconnaissance du complot judiciaire 8 ans plus tard. Les membres du FLN qui ont adopté la défense de rupture collective ont été souvent condamnés à mort, mais aucun n’a été exécuté – puis libérés à l’Indépendance. Le tribunal de Bobigny condamna la mère qui a aidé sa fille à avorter, mais « le Ministère public a volontairement laissé passer le délai de 3 ans sans fixer l’affaire à l’audience de la Cour d’appel. D’où prescription ». C’est pourquoi G. Halimi, victoire politique à l’appui[24], peut se permettre de conclure : « D’où Michèle C. n’a jamais été condamnée ». Dans l’affaire McLibel les inculpés furent condamnés pour plusieurs propos diffamatoires. Mais les dommages et intérêts qu’ils durent payer étaient minimes par rapport aux frais de procédure déboursés par l’accusation (estimés à £ 10.000.000), et de nombreuses critiques furent adressées par le tribunal à McDonald’s dans son rapport, validant plusieurs de celles contenues dans le pamphlet. Et surtout, ce texte d’un petit groupe, qui avait une diffusion locale minime, obtint grâce au procès et à l’acharnement de l’entreprise une portée véritablement internationale et alimenta des campagnes qui affectèrent sérieusement l’image de la marque. Les incarcérations qui frappèrent les syndicalistes de la Confédération paysanne en 1999 choquèrent l’opinion et furent utilisées pour dénoncer « l’acharnement de la justice » à l’encontre des syndicalistes paysans au profit de grandes entreprises. L’utilisation médiatique de la paire de menottes qu’on passa aux mains de José Bové fut un autre exemple du genre.

Il est donc clair que les procès de militants se jouent au-delà du tribunal. La bataille se joue largement devant l’opinion ; c’est une « affaire » politico-judiciaire. Révéler la nature politique des débats sous leurs habits juridiques, gagner le soutien de l’opinion, mettre l’adversaire en porte-à-faux : voilà les leviers que la défense, mais aussi l’accusation, tentent d’actionner. Au niveau symbolique la défense doit alors capitaliser sur les valeurs sociales de sa cause et sur l’hypocrisie ou l’agressivité de l’attaque qu’elle subit de la part du représentant du Garde des sceaux.

 

En listant ces techniques de défense combative, nous n’ignorons pas qu’elles peuvent tout aussi bien l’être par des causes « adversaires ». Des mouvements anti-avortement, des sectes, des accusés de crimes contre l’humanité recourent parfois à des stratégies similaires. Par ailleurs, dans les procès qui ne supportent pas le poids d’enjeux politiques, l’ouverture d’un front extérieur au procès et la mobilisation de l’opinion sont difficilement possibles ; dans ce contexte le droit est la meilleure arme, et il faut alors privilégier une défense « légaliste ». Et il va sans dire que dans certains cas l’institution judiciaire porte des décisions politiquement progressistes. Notre étude des outils de défense offensive, s’attachant exclusivement à décrire leur manipulation dans le cadre de la défense de causes sociales politiquement situées, n’est donc pas un propos général et théorique mais une analyse ouvertement militante et pratique – c’est sa limite comme sa condition.

Cette enquête suggère de poursuivre une analyse circonstanciée des situations et des rapports de forces : à partir de quel moment précisément et en fonction de quels critères devient-il nécessaire de recourir à une défense offensive et de dépasser le strict combat judiciaire ? En somme, rechercher les points de bascule qui rendent l’utilisation de ces différents éléments de défense stratégiquement utiles.

 


[1] Gisèle Halimi, La cause des femmes, Paris, Éd. Grasset & Fasquelle, 1973, p. 62.

[2] Dernièrement les membres du collectif Génocide Made In France ont peinturluré Hubert Védrine et l’ont accusé publiquement de complicité dans le génocide rwandais en espérant être poursuivis en diffamation. Un tel procès leur aurait permis d’étayer leurs affirmations et d’ouvrir le débat devant la justice française. Védrine, conscient de ce danger retira sa plainte rapidement et engagea des poursuites seulement pour agression et injure.

[3] La formulation que donne dans les années 70 Gisèle Halimi, avocate féministe, aux maximes de « la défense accusatrice » reprend celles déjà synthétisées dans les années 30 par Marcel Willard, avocat du PCF : « Défendre sa cause et non sa personne. Défense collective. Assurer soi-même sa défense politique. Se montrer physiquement et politiquement courageux. (…) Attaquer le régime accusateur. S’adresser, par-dessus la tête du juge, aux masses », Marcel Willard, La défense accuse, Éditions sociales internationales, 1938, p. 30.

[4] « Selon Marc Galanter il est inutile d’attendre de la part des tribunaux des décisions atténuant les inégalités sociales.  En effet, les inégalités entre les parties d’un procès – en particulier en termes de pouvoir, entre “haves” et “have-nots” – affectent le fonctionnement de la justice. Le jeu judiciaire a tendance à tourner à l’avantage des utilisateurs fréquents du droit (repeat players) qui le maîtrisent mieux (…) Or les dominants et notamment les intervenants institutionnels (compagnies d’assurance, grandes entreprises mais aussi procureurs qui représentent la société) sont majoritaires du côté des joueurs répétés, alors que les particuliers sont principalement des utilisateurs occasionnels de la justice », Liora Israel, L’arme du droit, Presses de Sciences Po, 2009, p. 24. Cf. Marc Galanter, « Why the “Haves” Come Out Ahead: Speculations on the Limits of Legal Change ».

[5] « Montesquieu voulait que les accusés fussent jugés par leurs égaux dans toute la force du terme. On voit bien que cela est impossible : produit d’une sélection dont l’origine est la rareté et qui répand l’idée bourgeoise que les choses belles sont les choses rares, le juge pense mériter son pouvoir par sa rareté même. Il est un membre important de la hiérarchie bourgeoise et les inculpés qu’il juge lui paraissent ses inférieurs », J.-P. Sartre, Situations X, “Justice et Etat”, Gallimard,1976, p. 65

[6] L’avocat et le procureur, « chacun, choisit dans le dossier [de l'instruction] ce qui lui convient : aveux, témoignages, expertises, en fait un montage et raconte une histoire non pas vraie (la Vérité est fondamentalement hors de portée de la Justice), mais vraisemblable. Et la Cour d’abord, l’opinion ensuite, devront choisir entre ces deux versions. Laquelle triomphera à la fin ? Non pas la plus vraie mais la plus belle » et la plus accommodante. J. Vergès, La Justice est un jeu, Albin Michel, 1992, p. 44.

[7] M. Weber, Le Savant et le Politique, p. 101. L. Israel remarque également que « l’obéissance à la loi ne suppose pas chez les acteurs une croyance en un fondement supérieur de l’ordre juridique. Elle correspond au fait qu’en tant que telle, la règle de droit est dotée de légitimité, c’est-à-dire que sa validité est considérée comme allant de soi, dans la société moderne telle que la décrit Weber », L. Israel, op.cit., p. 94.

[8] « [Le gouvernement] fait ainsi de la justice une instance davantage impliquée dans la régulation politique, mais n’hésite pas si elle ne lui donne pas satisfaction à en « déjuridiciariser le traitement ». Quant aux solutions jurisprudentielles qui lui déplaisent ou le gênent comme les règles de prescription en matière d’abus de biens sociaux, il n’hésite pas à les neutraliser en réformant la loi et si besoin est, la constitution », Florence Bussy, Yves Poirmeur, La justice politique en mutation, LGDJ, 2010, p. 46.

[9] Lors du « premier procès des faucheurs volontaires de Toulouse. Le Procureur en convoque 7, en disant : « ils ont fait partie d’une action en réunion de plus de 400 personnes ». Et, là, on bondit là-dessus : « vous avez raison, M. le Procureur, ils étaient bien plus de 400, ils étaient même 1000 ! Et pourquoi vous en avez poursuivi 7 ? » A ce moment-là, nous arrivons le jour du procès avec 220 personnes qui disent : « Nous y étions et nous voulons, nous aussi, être jugés ; nous voulons comparaître volontairement… » On nous dit « Vous voulez être condamnés !? Non, on veut comparaître et être relaxés (rires) parce que l’on va vous expliquer pourquoi on a fait tout cela. » Intervention de Me Roux, Colloque de Lyon sur la désobéissance civile, 6 avril 2006.

[10] M. Foucault, « Pour la défense libre, Plateforme en faveur du mouvement Libre defense », supplément à la revue Actes nº 24-25, 1980. Cité in Dits & Ecrits, vol 1, Gallimard 1994, p. 57.

[11] Sa défense est racontée par son ami Marcel Willard dans La défense accuse. Cf aussi  l’analyse de J. Vergès dans De la stratégie judiciaire, Paris, Minuit, 1968.

[12] Titre d’un livre de Marcel Willard, sorte de manuel de stratégie judiciaire du Parti communiste adressé à ses militants.

[13] Elisabeth Claverie, « Bonne foi et bon droit d’un génocidaire », Droit et société, nº 73, 2009/3, p. 646.

[14] « Nous ne faisons pas de politique ! » Cette phrase remarquable prononcée par le président du tribunal lors de l’affaire de La cause du peuple, est l’équivalent moderne de « La question ne sera pas posée », répétée des dizaines de fois lors du procès de Zola dans l’affaire Dreyfus.

[15] Ce cas se produit aussi devant les Tribunaux Pénaux Internationaux, où la légitimité d’un justice internationale (onusienne) peut être mise en cause.

[16] Cf. J. Vergès, De la stratégie judiciaire, Minuit, 1968.

[17] On pense généralement à cet égard à la défense de rupture du FLN et au « scandaleux » Vergès, mais un avocat des Droits de l’homme comme F. Roux, confronté à un réquisitoire absurde, est lui aussi conduit à remettre en cause la légitimité de l’accusation : « Vous n’avez pas qualité pour requérir! Parce que, avais-je dit [au procureur], l’Etat français qu’il représentait se rendait coupable de crimes contre l’humanité » F. Roux, En état de légitime révolte, Indigène Éditions, 2002, p.24.

[18] Cf. Association “Choisir”, Avortement : une loi en procès. L’affaire de Bobigny, Gallimard, 1973.

[19] « En principe, toute personne citée par une juridiction pour être entendue comme témoin est tenue de se présenter en personne, de prêter serment et de déposer. Cette obligation fait partie de celle, plus générale, qui incombe à tout citoyen d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Elle connaît cependant quelques exceptions.» http://www.vie-publique.fr.

[20] cf. art. 122-7 du code pénal. F. Roux, « De l’état de nécessité à la désobéissance civile », Libération, 3/07/2006. Nous soulignons.

[21] Le huis clos est un moyen éculé pour le tribunal de soustraire les débats au public, et donc de pouvoir bafouer plus discrètement les droits de la défense tout en étouffant l’impact médiatique. Il a été utilisé à cette fin contre Dreyfus ; et l’affaire de Bobigny en aurait fait les frais si la défense ne s’y était fermement opposée.

[22] Dans ce procès intenté en diffamation par McDonald’s contre des activistes pour leur pamphlet “What’s wrong with McDonald’s : Everything they don’t want you to know”, deux des cinq accusés refusèrent de s’excuser et s’engagèrent dans ce qui allait être le plus long procès britannique (1990-2005). Le tribunal condamna les activistes pour certaines déclarations diffamatoires, mais reconnu poliment et exhaustivement la légitimité d’une partie des critiques.

[23] « When Bloomberg sent a cease-and-desist letter asking ®TMark to stop mirroring Bloomberg news stories without permission last year, they received an excited response from ®TMark that stated, “Thanks!  This is the first cease-and-desist threat we’ve ever gotten!”  ®TMark then sent Bloomberg a satirical cease-and-desist letter mirroring the language of Bloomberg’s initial letter.  Bloomberg “decided not to respond.” » Cité dans Giselle Fahimian, « How the IP Guerrillas Won: ®TMark, Adbusters, Negativland, and the « Bullying Back » of Creative Freedom and Social Commentary », STAN. TECH. L. REV. 1 (2004)

[24] L’affaire qui se forma autour de ce procès, qui n’était en lui-même qu’un cas symbolique, mobilisa si fortement l’opinion, les “intellectuels”, la presse et les politiques qu’elle amena un doublement changement législatif : application de la loi Neuwirth légalisant la contraception et vote de la loi Veil légalisant l’avortement.

01. novembre 2012 par admin
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